Le mouvement respiratoire primaire
- solenne.armoni

- 1 oct.
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Dernière mise à jour : 24 oct.

Si l'origine du mouvement respiratoire primaire (MRP) est encore assujettie à plusieurs hypothèses, la médecine et l’ostéopathie s'accordent du moins sur son existence.
La présence d'un mouvement rythmique (10 à 14 fois par minute) anime tous les tissus de l’organisme et le somatopathe, comme certains ostéopathes, utilisent ces micromouvements pour écouter la motilité des os et organes du corps.
La motilité diffère de la mobilité dans le sens où le mouvement survient de manière involontaire, alors que la mobilité prend place après une action musculaire consciente. La motilité est donc la faculté de l’organisme à se mouvoir de manière autonome quand la mobilité est la facilité avec laquelle le mouvement est effectué. Et la combinaison de ces deux mécanismes est la composante essentielle à tous les mouvements corporels. Le MRP serait intimement lié à la motilité de l’organisme, d’où son utilité thérapeutique, restant encore à prouver s’il est le résultat ou la source de ces fonctions vitales.
Différentes hypothèses sont avancées pour comprendre l’origine de cette fluctuation, de cette respiration, subtile mais quantifiable et tangible. À ce jour plusieurs explications sont proposées, dont une approche mécanique, membraneuse, liquidienne, vitaliste ou spirituelle.
Quatre ventricules localisés dans le cerveau sécrètent et régulent la circulation du liquide cérébro-spinal (LCR). Derrière le tronc cérébral, le quatrième ventricule s’ouvre pour conduire le LCR dans les espaces membranaires entourant l’ensemble du système nerveux central, ainsi que dans le canal parcourant le centre de la moelle épinière. Andrew Taylor Still (1828-1917), fondateur de l’ostéopathie, voit déjà l’importance du LCR en le nommant le liquide noble du corps. Si le sang est rouge, le liquide cérébro-spinal est clair comme de l’eau de roche, petite anecdote. À la suite de Still, il parut logique pour le docteur Sutherland, créateur de l’ostéopathie crânienne, que l’origine du MRP soit le quatrième ventricule. L’idée étant que la pulsation de ces ventricules soit responsable du changement de forme rythmique observé à la boîte crânienne. Lors des deux phases du mouvement respiratoire primaire, appelées Inspir, ou Flexion, et Expir, ou Extension, le corps entier accompagnerait donc ce micromouvement régulier produit grâce à la fluctuation du LCR dans le quatrième ventricule par l’intermédiaire des membranes de tension réciproque.

Illustration traduite des ventricules du cerveau (Ventricles of the Brain), source : BruceBlaus sous licence CC BY 3.0
En effet, la dilatation rythmique des ventricules créant le basculement des hémisphères cérébraux opère une traction sur la tige pituitaire, localisée sur la selle turcique (cf schéma ci-dessous), et qui par son élévation entraînerait à son tour le mécanisme du MRP via les membranes de tension réciproque. Car le crâne est relié au sacrum par la dure-mère, une membrane neurologique protectrice et nutritive entourant la moelle épinière, qui en descendant jusqu’au coccyx pourrait aussi être à l’origine du MRP. Ainsi, après une vision mécanique avec le quatrième ventricule, une approche membranaire voit le jour. Avec cette nouvelle hypothèse, la motilité du cerveau seule mettrait en mouvement le LCR dans les ventricules, et les membranes de tension réciproque seraient donc à l’origine des modifications de forme du fait de leur attache sur les os crâniens. Ce mouvement autonome est bien connu des neurochirurgiens sous le nom de névroglie, une contraction spontanée des tissus de soutien du système nerveux central. Par cette impulsion, le tissu pompe le sang et l’envoie dans les plexus choroïdes, sorte de portes d’entrée, accrochés aux ventricules cérébraux. Et c’est dans ces plexus que le sang va être transformé en LCR.

Illustration des membranes de tension réciproque, source : LIEM, Torsten. Ostéopathie crânienne, manuel pratique. Éditions Maloine
Ce mouvement rythmique accompagne la fluctuation du LCR ainsi que des membranes de tension réciproque et se retrouve dans les os du crâne, du sacrum, mais aussi dans l’entier du squelette et des organes. Le corps étant un organisme interrelationnel, il est naturel que ce mouvement puisse être écouté par les mains entraînées d'un thérapeute corporel. Cependant les théories sur l’origine du MRP sont contestées par différentes études avançant que la pression exercée par le LCR (13gr au cm2) ne suffirait pas en rapport à la pression atmosphérique qui pèse sur le crâne (1kg au cm2). La pression interne ne serait donc pas assez forte pour opérer un changement de forme de la boîte crânienne. D’autres pistes sont suivies pour trouver l'explication de ce mouvement pourtant perceptible, par exemple les ondes Traube-Hering-Mayer. Ces oscillations sont présentes dans la pression artérielle, la vélocité du flux sanguin et la fréquence cardiaque avec un rythme de 6 à 10 cycles par minute. Certains chercheurs du Chicago College of Osteopathic Medicine, voyant une ressemblance avec le rythme du MRP ont réalisés des expériences comparatives. Ils en concluent que l’ostéopathie crânienne, en régulant le MRP, affecte les ondes Traube-Hering-Mayer qui sont régies par les systèmes parasympathiques (régulation) et sympathiques (activation). Je vais plus en détails sur le fonctionnement du système nerveux autonome dans cet article sur la théorie polyvagale.

En 1971, Viola Frymann démontra l’existence d’un troisième rythme au niveau crânien, en plus du pouls cardiaque et du rythme respiratoire. Et en 1975 un journal de neurologie aux États-Unis rapportait également une pulsation intracrânienne de 9 cycles par minute. L’équipe de Viola constata alors par une expérience où les sujets retenaient leur respiration, une différence entre les ondes de Traube-Hering-Mayer et le MRP. Et dans une étude de 1992, le docteur Norton arriva à la même conclusion. Enfin, l’idée que le MRP apparaisse grâce aux membranes de tension réciproque et à leur continuité dans la dure-mère rachidienne est aussi invalidée. Car l'élasticité présente dans ces membranes, supposées tracter le sacrum mécaniquement, est venue remettre en question cette hypothèse.
Si la motilité des cellules nerveuses reste à ce jour la source la plus acceptée, les recherches sur l’origine du MRP continuent pour l’instant. Mais force est de constater que ce mouvement physique ondulatoire est régi par des règles bien précises. Ainsi d’une personne à l’autre, le mouvement naturel du MRP est identique, c’est seulement son rythme et son amplitude qui varie en fonction de l’état de santé.
La somatopathie, comme l’ostéopathie cranio-sacrée, utilise donc le MRP pour écouter la vitalité des différents os et organes du corps afin d’en rétablir le mouvement physiologique. Pierre Camille Vernet, à la fin des années 90, ressentit de subtiles variations dans le MRP et chercha à en comprendre l’origine psychosomatique. Son travail le guida vers une lecture des maux du corps prenant racine au niveau embryologique, puis avant même la conception, avec l’inclusion du transgénérationnel. La grille de lecture somatopathique est un travail de recherche empirique et Pierre Camille Vernet ouvrit le champ d’action de l’ostéopathie en affinant la compréhension des informations transmises par l'écoute du MRP.
Grâce à la régularisation du mouvement respiratoire primaire par un toucher thérapeutique, le somatopathe restaure ce rythme de vie dont la dernière hypothèse concernant l’origine est une vision dite vitaliste, venant d’un courant philosophique pour lequel le vivant n'est pas soumis aux lois physico-chimiques. Considérer ce mouvement vital de manière plus énergétique, ou spirituelle, apporterait certaines réponses mais qui sont pour l’instant rarement intégrées par la médecine conventionnelle ou la science. Si la manière de travailler sur le MRP diffère, ce mouvement présent au stade embryologique et ne prenant fin que plusieurs heures après la mort clinique, permet néanmoins d'apporter une vision plus holistique de la santé.
Et voici une citation sur le MRP de Rollin E. Becker, docteur ostéopathe qui se forma auprès de William Garner Sutherland et dont le père fût enseignant avec Andrew Taylor Still : « La découverte du Dr Sutherland allait au-delà de la description d’un système mécanique. En effet, il avait compris que le mouvement qu’il observait est la force fondamentale de vie à l’œuvre. C’est une manifestation de la vie en mouvement, un signe extérieur des mécanismes d’autorégulation et d’autoguérison fondamentaux existant au sein du corps. »
S’il est important que le MRP soit reconnu dans ses qualités de diagnostic thérapeutique, être fixé son origine n’a que peu d’importance à mon sens. Je suis en paix avec l’idée que certaines notions soient encore hors de portée pour l’instant, et me sens reconnaissante de pouvoir percevoir ce mouvement de vie inhérent à tout être incarné.





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